PEINTURE CHINOISE

Montagnes célestes

double image


Les Grands Maîtres du Shanshui


Introduction

Il n’est pas de plus haute évocation culturelle donatrice d’harmonie exemplaire, en Chine, que celle des monts et des fleuves. Couple principiel, ces deux éléments occupent une place centrale où se sont nouées les légendes fondatrices. Nés dans les premiers frémissements au sortir du chaos primitif, ils sont perçus comme un procès sans commencement ni fin, que la langue chinoise rend par l’unique terme Dao, la « Voie ». Les Monts sacrés confinent, en leurs cimes, au Ciel, et en leur concrétude se dessinent les domaines des esprits (shen). Ainsi, « celui qui est à la recherche de la Voie doit y pénétrer, afin de retrouver le calme et la pureté ». Dès les origines mythiques, Cinq Monts se dressant aux points cardinaux sont l’objet de sacrifices, considérés alors comme des forces qu’il convient de pacifier, autant qu’elles apportent protection au royaume. Ce rite sacré est resté exemplaire de l’exercice de la souveraineté en Chine. Dans un monde sans dieu et nommément créateur, les figures que sont les Monts et les Fleuves se posent donc comme des référents transcendants auxquels se retrouvent confrontés l’homme, son destin, ses réflexions et ses actions. Clairement exprimé par les mots dans la poésie antique, ce principe est plus subtil à cerner au travers des œuvres mêmes. C’est avec l’avènement de la peinture des « lettrés », à partir du XIe siècle, que la peinture dite « de montagne et d’eau » exprime, au moyen de poèmes apposés, l’inspiration profonde de l’artiste. Cette expérience individuelle des poètes et des peintres, à la recherche d’une perfection inspirée par les montagnes et les eaux, trouve lecture dans une manière propre à chacun de percevoir ces éléments transcendants, que les rouleaux et albums, de soie ou de papier, transmettent de façon plus concrète.

Mei Qing (1623-1697),
Dix-neuf vues des monts Huang
Feuille d'album ; couleurs sur papier, encre ; 33,9 x 44,1 cm
Musée de Shanghai
Naissance des mythes et légendes
Mythes, légendes et religions panchinoises

Pendentif en forme de tigre
Dynastie des Han de l'Ouest (206-209 avant notre ère)
Plaque de jade blanc percée et à décor découpé et gravé ; 7,5 x 19,7 cm
Musée national des Arts asiatiques-Guimet, Paris


Naissance des mythes et légendes
Mythes, légendes et religions panchinoises

Parce que l’expérience esthétique exprimée dans le paysage procède directement en Chine d’antiques perceptions du cosmos, la première partie de l’exposition est consacrée aux dimensions mythiques et religieuses des montagnes et des eaux. Yu le Grand, fondateur de la dynastie royale légendaire des Xia (2207-1766 av J.-C.), « combla les eaux débordées avec de la terre vivante de façon à former les montagnes éminentes » (Huainan Zi). Dans ce paysage primitif se dressent cinq pics sacrés (wu yue) : le Taishan à l’est (Sandong), le Songshan au centre (Henan), le Hengshan au nord (Hebei), le Hangshan au sud (Hunan) et le Huashan à l’ouest (Shanxi). Plus généralement, les montagnes et les cours d’eau étaient considérés comme de véritables puissances auxquelles on sacrifiait pour protéger le royaume.

La religion pan-chinoise (avant que le taoïsme et le confucianisme ne se constituent en religions au IIe siècle de notre ère) fit également de ces lieux mythiques des sortes de référents transcendants auxquels se trouvaient confrontés l’homme, son destin et ses actions. A partir de l’époque agitée des « Royaumes combattants » (475-221 av J.-C.) se développent les croyances dans lesquelles « tous ceux qui veulent pratiquer la Voie (Dao) et fabriquer les drogues [de l’immortalité], éviter les troubles et vivre cachés, tous ceux-là doivent entrer dans la montagne » (Baopuzi Neipian).

Mais seuls osent s’y aventurer l’âme volatile des défunts, grâce à la vaisselle rituelle déposée dans le sépulcre, et les chamanes, grâce au grand miroir qu’ils portent sur le dos.

La montagne n’a plus de secret pour les Chinois depuis le Ve siècle avant notre ère. À la manière des encyclopédies, le Classique des montagnes et des mers (Shanhai jing), décrit scrupuleusement la faune fantastique peuplant l’univers des immortels. Premier relevé ethnographique du monde de l’imaginaire, l’ouvrage se veut avant tout informatif. Chaque notice est succincte, et fournit les informations dont a besoin tout promeneur s’aventurant dans ces terres lointaines. L’apparence, le nom et le cri des créatures hybrides habitant montagnes et mers y sont consignés avec précision, et constituent un bestiaire dans lequel puisèrent abondamment les artistes pendant des générations.

Naissance des mythes et légendes

Montagnes apprivoisées

D’après le Huainan zi, ouvrage encyclopédique rédigé au IIe siècle avant notre ère, la bipartition du Ciel et de la Terre prit forme au sein d’une étendue « vaste et informe », elle-même engendrée par le dao, principe régulateur et unificateur. Dans la philosophie taoïste, le dao est l’entité universelle qui est à l’origine cosmique de tous les êtres vivants. Très tôt, dans l’histoire chinoise, le Ciel fut l’apanage du divin : de ceci découle le rôle déterminant des montagnes — et notamment des cinq pics sacrés — tantôt considérées comme des piliers soutenant l’azur, tantôt comme lieux de passage privilégiés pour accéder aux puissances célestes.

A partir du IVe siècle, les grandes manifestations naturelles que sont les montagnes et les fleuves apparurent donc comme des domaines accessibles pour qui savait les aborder. La nature se transforma sous le regard d’hommes qui la perçurent désormais comme un lieu recherché. Maîtres taoïstes et moines bouddhistes s’y engouffrèrent pour fuir le monde, et s’adonnèrent à la contemplation de ses merveilles. Des disciples suivirent, des écoles y furent créées. Le paysage pouvait naître sous la plume des poètes et des peintres : montagnes et fleuves, autrefois domaines du merveilleux, étaient eux-mêmes parvenus au rang de merveilles.

Wu Wei (1459-1509),
Le Grand Fleuve à perte de vue
Dynastie des Ming
Rouleau horizontal, encre et couleurs sur soie ;
27,9 x 976,2 cm
Musée du Palais impérial, Beijing

Naissance des mythes et légendes
L’influence du Bouddhisme

A partir du IVe siècle, le regard porté sur la nature se détache peu à peu ; la peinture de paysage peut naître, sous le pinceau des poètes, d’abord, puis sous celui des peintres. La montagne, les fleuves à perte de vue, deviennent les lieux recherchés d’une quête de soi-même. En effet, venu de l’Inde par l’Asie centrale, le Bouddhisme, attesté en Chine depuis le ier siècle de notre ère et qui va progressivement s’harmoniser à la pensée traditionnelle, apporte un regard nouveau. Doctrine étrangère, elle n’en fut pas moins assimilée par les différents acteurs de la société chinoise (État, lettrés et classes populaires), et se développa comme une religion autochtone. Si le substrat indien ne fut jamais renié (nombreuses furent les entreprises individuelles ou patronnées par l’Empire dont le but était de récolter des textes dans la terre mère), la pensée bouddhique influença si profondément la vie intellectuelle et artistique de la Chine, que l’on peut sans réserve parler de bouddhisme chinois. Un des principes de la doctrine bouddhique nous enseigne que la perception du monde qui nous entoure, l’idée que l’on s’en fait, et les désirs qu’on y projette, sont les causes de nos souffrances.

Le taoïsme enseignait la retraite, le bouddhisme continue cette tradition. Les grands Buddha comme Maitreya ou Sakyamuni, et les grands Bodhisattva, tels que Avalokitesvara, furent l’objet en Chine d’un culte intense. Quatre montagnes sacrées leur furent consacrées : Emeishan à l’ouest (dans le Sichuan), Putuoshan à l’est (dans le Zhejiang), Jiuhuashan au sud (dans l’Anhui), et Wutaishan au nord (dans le Shanxi). Ancien lieu sacré taoïste, Le Pic des cinq terrasses (Wutaishan) fut assimilé sous les Wei du Nord au Mont de la Clarté et de la Fraîcheur (Qingling shan), décrit dans le Sutra de l’Ornementation fleurie (Avatamsaka Sutra) comme étant le domaine terrestre du Bodhisattva Manjusri. Ainsi le Wutaishan, grâce au succès de l’école Huayan, était depuis longtemps devenu un lieu de fervente dévotion. Les grottes rupestres de Mogao, situées près de l’oasis de Dunhuang (Gansu), illustrent sur près d’un millénaire (IVe-XIVe siècle) les premières influences bouddhiques qui furent à l’œuvre dans l’art de la Chine. Les compositions murales illustrent les images liturgiques, tout comme des cycles narratifs édifiants de la légende bouddhique ou relatant la vie du Buddha.


Rois-Esprits
Wei du Nord (420-534), VIe siècle
Henan (?), sculpture sur pierre ; 37 x 54 x 15 cm
Musée national des Arts asiatiques-Guimet


Le bodhisattva Avalokites´vara
« Reflet de la lune dans l’eau »

Chine occidentale,
grottes de Dunhuang,
fin IXe-1ère moitié Xe s.
Encre et couleurs sur papier ;
53,3 x 37,2 cm
Musée national des Arts
asiatiques-Guimet, Paris


L’expérience individuelle des artistes
L’âge d’or des Song et Yuan

Cette incursion au sein des systèmes religieux de la Chine ancienne permet ainsi de comprendre comment l’évolution de la notion de paysage et de son rapport à l’individu, a pu façonner le regard, puis s’imposer à l’expérience créatrice et l’acheminer vers un choix esthétique singulier. Si depuis le Xe siècle les peintures furent conservées, cataloguées et copiées comme des trésors, inscriptions poétiques et peintures forment néanmoins un couple indissociable, interdépendant et interférent. Le texte n’est pas la légende de l’image, tout comme celle-ci ne représente pas l’illustration du texte. Les six peintures ici présentées, datant des dynasties Song (960-1279) et Yuan (1277-1367) et incarnant l’âge d’or de la peinture lettrée, témoignent de l’ancienneté de cette union. Le grand sujet du génie artistique de la période des Song est la peinture de paysage, de « montagne et d’eau » (Shanshui). Celle-ci se révèle être une source inépuisable d’inspiration et de pratiques picturales inconnues jusque-là. Ainsi, la « manière de faire » picturale fait place au « mode d’être » du peintre. Le paysage devient désormais l’instrument de  « l’expression personnelle » des artistes.

Dans une approche toute aussi expressive, les lettrés Yuan mettent en avant la simplicité des compositions, une manière à l’ "encre sèche", ainsi qu’une distanciation archaïsante avec les sujets. Tel pourrait se définir l’art du plus grand des premiers artistes inspirateurs que fut Zhao Mengfu (1254-1322). Tel fut aussi celui, si personnel, de chacun des Quatre Maîtres de la dynastie des Yuan : Huang Gongwang, Wu Zhen, Ni Zan (1301-1374) et Wang Meng (1310-1385). Ni Zan comme Wang Meng choisissent de passer leur vie loin des tourments de la nouvelle dynastie en place, préférant dès lors se retirer du monde. Le premier prend le parti de pratiquer une peinture poétique et dépouillée, où la profondeur du paysage se révèle grâce à de vastes étendues laissées « en réserve » ; l'artiste sépare ainsi un premier plan « habité » par quelques éléments symboliques, et l'horizon lointain évoquant tel un rêve des apparitions montagneuses. Wang Meng quant à lui se consacre à la peinture d'une nature surabondante, pleine de vie et de vigueur, dont le trait dynamique transfigure une certaine force de caractère. À travers ces deux styles si opposés, le paysage trouve sa valeur de refuge et de liberté.

Mi Youren (1074-1153),
Jeu d’encre de montagnes et de nuages
(détail)
Dynastie des Song du Sud
Rouleau horizontal, encre sur papier ; 21,5 x 196 cm
Musée du Palais impérial, Beijing

Ni Zan (1301-1374),
Les Six Gentilshommes
Dynastie des Yuan
Rouleau vertical, encre sur papier ;
61,9 x 33,3 cm
Musée de Shanghai


L’expérience individuelle des artistes
L’expérience des poètes et des peintres

Si le statut du lettré imposait par lui-même une participation dans l’administration de l’empire, son idéal demeurait toutefois le sage retiré loin des tourments de ce monde. Une fois encore, c’est dans l’expérience de la contemplation des spectacles de la nature que s’exprime cet idéal d’intériorité. La retraite, la montagne, les fleuves à perte de vue en constituent les thèmes emblématiques. Mais l’artiste ne doit en aucun cas oublier les expériences du passé. Ainsi, dans la préface de son album, Wang Lü (1332- ?) mentionne-t-il clairement le rapport dialectique entre l’héritage de la tradition et son style personnel : « J’ai acquis les formes grâce aux maîtres anciens et j’ai acquis l’esprit par moi-même ».

Toutefois, avec l’avènement des Yuan en 1277, dynastie d’origine mongole, deux attitudes sont observées chez les artistes lettrés. Certains d’entre-eux décident de servir le pouvoir étranger en place, auxquels cas l’historiographie plus tardive ne manqua jamais de nuancer, sur fond de leur engagement contre nature, l’appréciation de leurs talents et leurs mérites véritables. D’autres choisissent de se retirer ; ainsi trouve-t-on des thèmes (bambous, rochers, arbres tortueux) que l’on peut interpréter comme autant de manifestes silencieux de « résistance ». Cependant, le vrai dilemme chez les artistes-lettrés reste celui de la représentation, entre ressemblance et vérité, artificiel et naturel ou spontané, tout en revendiquant la part de subjectivité de l’auteur.

Wang Lü (1332-?),
Le Mont Hua
(détail)
Dynastie des Ming
Album, encre et couleurs sur soie ; 22,5 x 23,8 cm
Musée du Palais impérial, Beijing
Ni Duan (actif au début du XVe s.),
L’Invitation faite à Pang (Degong)
Dynastie des Ming
Rouleau vertical,
encre et couleurs sur soie
163,8 x 92,4 cm
Musée du Palais impérial, Beijing

L’expérience individuelle des artistes
Les Grands Maîtres

L’avènement de la dynastie des Ming (1368-1644) marque la restauration chinoise, et avec elle l’occasion pour les lettrés de sortir de leur retraite et se mettre à nouveau au service de l’Etat. Parallèlement, la tradition picturale que certains d’entre eux ont contribué à maintenir, va connaître un nouveau prestige avec le développement dans les riches centres régionaux d’un mécénat privé de fonctionnaires et de riches marchands. Le renouveau est aussi celui du raffermissement du patronage impérial. Source qui se révèle vite peu propice à la novation, d’autant que se précise un goût prononcé du pouvoir pour imiter la prestigieuse Académie impériale des Song. Ainsi se trouvent ressuscités des styles picturaux jusque-là délaissés ; les œuvres libres d’artistes indépendants, au sens large – incluant les créations des lettrés mais aussi celles des moines peintres du Chan – font désormais partie du répertoire de l’Institution. Deux tendances picturales en ressortent : d’un côté, un renouveau des grands paysages dans le style des Song du Nord, une manière libre, désormais essentiellement virtuose et spectaculaire ; de l’autre, le courant académique de « fleurs et oiseaux » qui acquiert un sens et une valeur symboliques.

Un phénomène purement institutionnel, touchant le quota de recrutement des fonctionnaires lettrés (toujours bien plus nombreux dans le sud-est de la Chine que partout ailleurs), eut de grandes conséquences sur la naissance d’un groupe élargi de lettrés condamnés à l’oisiveté. D’autres lettrés, plus brillants, après s’être « essayés » aux responsabilités bureaucratiques dans le régime hautement autoritaire des Ming, choisirent de s’en retourner dans leurs pays natals. Ces divers facteurs, auxquels s’ajoutent les exigences personnelles, éthiques et esthétiques de certaines personnalités, contribuèrent à reconduire l’ancien clivage, entre peintres professionnels et peintres lettrés amateurs.

Le dogme de la  « peinture de lettré » reflète dès lors les conditions nouvelles de la création picturale. Le refus d’en remontrer annonce une esthétique de la « maladresse », comble du naturel, que l’on rencontre dans les œuvres de Zhu Da (1626-1705) et de Yuan Ji (Shitao) (1642-1718). Ce dernier, illustre par ses activités de poètes, calligraphe, architecte, théoricien et philosophe, a pourtant laissé peu de traces de sa vie. Zhu Da comme Yuan Ji font partie des Quatre moines-peintres de la dynastie des Qing (1644-1911) aux côtés de Hongren (1610-1663) et Kun Can (1612-1673).

Qiu Ying (vers 1505-1553),
Montée vers le pavillon de l’Épée
Dynastie des Ming
Rouleau vertical,
encre et couleurs sur soie ;
295,4 x 101,9 cm
Musée de Shanghai

Yuan Ji (Shitao) (1642-1718),
Auprès de la fenêtre, étudiant
Dynastie des Qing
Rouleau vertical, encre sur papier ;
200,7 x 69,2 cm
Musée de Shanghai

Le Sacré revisité des montagnes et des eaux
Réinterprétation des mythes et goût de l’antique

Les exemples ne sont pas rares, à travers l’histoire, de périodes où l’artiste, le poète, le philosophe, tourne son regard vers sa propre antiquité pour y chercher les modèles que réfléchissaient les âges d’or du passé. Le recours à la « saveur des œuvres antiques » dont parle déjà Zhao Mengfu sous les Yuan (1277-1367), connaît un nouveau souffle, dès la fin de la dynastie Ming (1368-1644). Shen Zhou (1427-1535) l’un des maîtres de l’école de Wu, est l’un des premiers peintres à assumer l’héritage des grands maîtres de la peinture Yuan. Le génie d’un Wen Zhengming (1470-1559) ou d’un Qiu Ying (1505-1553) montre que, loin de confiner l’artiste à une pure imitation, le style « à la manière de » possède les notions de transformation et de renouveau, chères à la pensée chinoise. L’avènement de la dynastie mandchoue des Qing provoque chez certains peintres un repli identitaire sur cette culture chinoise qu’ils craignent voir s’évanouir sous l’influence de traditions barbares. De leur côté, les empereurs Qing, en quête de légitimité, puisent eux aussi dans le passé chinois. Ici encore, les rouleaux côtoient les objets. Ces derniers sont de deux sortes : certains, contemporains des peintures, permettent de saisir la présence diffuse de thèmes liés à la nature dans l’art des Ming et des Qing. Le porte-pinceau impérial en forme de montagnes en est le plus illustre exemple. Mais on constatera aussi la diversité des supports qui accueillirent l’expression picturale des montagnes et des eaux : un paysage se déroule sur un porte-pinceau en bambou ou enveloppe des vases de porcelaine. Le « roi des remèdes » et son habit de feuillages côtoie, dans les peintures du jeûne de la terre et de l’eau, les esprits tortueux qui animent les arbres. Que dire de ces racines sorties tout droit du monde naturel, si ce n’est qu’elles nous rappellent étrangement les animaux et génies qui peuplaient la Chine mythique ?

Général des terres incultes
Dynastie des Ming,
26 août 1454
Rouleau vertical,
encre or et couleurs sur soie ;
140,5 x 78,5 cm
Musée des Arts asiatiques-Guimet, Paris

Grand Vase à décor de montagnes
Dynastie des Qing,
règne Kangxi (1662-1722)
Céramique famille jaune,
émaux vert, violet, jaune.
Marque Chenghua ; 44 cm
Musée national des Arts
asiatiques-Guimet, Paris

Le Sacré revisité des montagnes et des eaux
L’idéal des Lettrés

Le parcours de l’exposition nous conduit d’univers magiques en univers idéaux, mêle héros légendaires et lettrés éminents : montagnes sacrées où se cachent les palais des immortels répondent à la demeure idéale du lettré retiré. De la même façon que dans la première partie, la présence d’œuvres peintes avait pour objet de rappeler sans cesse que la peinture constitue le véritable sujet de l’exposition, la présence d’objets issus des temps anciens dans ce dernier temps du parcours évoque en revanche le rapport antique qui lie l’artiste chinois à son paysage. Ce qui se trouve au cœur de l’exposition des Montagnes célestes. Trésors des musées de Chine, ce ne sont ni les montagnes, ni les fleuves, mais bien les hommes qui y ont porté leur regard. Et celui du spectateur, d’aujourd’hui et de demain, perpétue de la même façon cette longue tradition.
 

Ren Xiong (1823-1857),
Chaumière sur le lac
(détail)
Chaumière sur le lac (détail)
Dynastie des Qing
Rouleau horizontal, encre et couleurs sur papier ; 35,8 x 705,4 cm
Musée de Shanghai

Taïchi sur la terrasse de l'Ouest  

Le pic « Je commence à y croire »
© Marc Riboud


Tang (618-907)

Li Sixun (651-716) et Li Zhaodao (675-741), l’évocation du paysage est un condensé soutenu de vues remarquables.

Wang Wei, lettré fondateur du paysage.

Cinq Dynasties (907-960)

Jing Hao (vers 900-vers 960), quête de la vérité au-delà de l’apparence formelle.

Li Cheng (919-967), précurseur direct des Song du Nord.

Dong Yuan (vers 937-962) et disciple moine Juran (vers 960-985), traduction de l’atmosphère poétique des paysages du Sud-Est inondés de lumière, annonçant la peinture des « lettrés ».

Song du Nord (960-1127)

Fan Kuan (actif vers 1023-1031), expression picturale puissante et juste.

Guo Xi (vers 1001-vers 1090) par lui s’annonce l’extraordinaire développement de l’art des Montagnes et Eaux, des Xe-XIe s.

Sushi (1037-1101), personnalité dominante du courant des « lettrés ».

Mi Fu (1051-1107) et son fils Mi Youren (1075-1151), grandes figures de la peinture et de la réflexion esthétique.

Song du Sud (1127-1279)

Li Tang (vers 1050-1130), le plus grand peintre de paysage de son temps et inspirateur du renouveau de l’Académie impériale à Lin’an.

Ma Yuan et Xia Gui (fin XIIe-début XIIIe), style assumé du paysage en composition asymétrique ou « en coin », à grandes réserves lacunaires.

Yuan (1277-1367)

Zhao Mengfu (1254-1322) et l’idée de l’Antiquité.

Quatre Grands Maîtres : Huang Gongwang (1269-1354), Wu Zhen (1280-1354), Ni Zan, Wang Meng.

Ming (1368-1644)

Trois styles émergent :

L’École de Zhe dans le Zhejiang, perpétue le style dit Ma-Xia adopté par la cour des Ming et par les peintres professionnels.

Du brillant foyer culturel de Suzhou, sont issus les Quatre Grands Maîtres des Ming répartis entre l’École de la porte de Wu avec Wen Zhengming (1470-1559) et Shen Zhou (1427-1509) et l’École de Wu avec Tang Yin (1470-1523) et Qiu Yin (début du XVIe siècle).

Qing (1644-1911)

Les Quatre moines-peintres des Qing : Zhu Da (1626-1705), Shitao (1642-1718), Hongren et Kun Can.

Ren Xiong (1823-1857),
Chaumière sur le lac
(détail 1 ) (détail 2 )
Dynastie des Qing
Rouleau horizontal, encre et couleurs sur papier ; 35,8 x 705,4 cm
Musée de Shanghai